Une histoire simple

 

C’était en 2006,

 

Un après-midi d’été en Bretagne où nous nous baignions, mon frère et moi.
« Il faut que tu ailles voir un spécialiste, je vais te prendre rendez-vous ».
Afin d’obéir à mon frère, médecin de campagne, je rencontrai un spécialiste une semaine plus tard.
Quelques mouvements, des dessins mal exécutés la sentence tomba :
« Vous me devez 40 euros, vous avez le Parkinson…»

C’était en 2006, cinq années avant mon départ en retraite…

 

Mon employeur m’offrit un poste aménagé durant la cinquantaine de mois qu’il me restait à faire.
Je mis à profit ce temps pour « apprendre » cette maladie et la dompter.
Ainsi après multiples lectures et recherches concernant cette pathologie, un médicament était sans cesse préconisé « La marche ».
Alors je me mis à marcher…

C’était en 2011,

 

Lesté d’un baluchon d’une dizaine de kilos (donc trop lourd), je quittai Le Puy-en-Velay un beau matin de mai.
Le chemin était rude, difficile, le sac à dos me tailladait le dos.
J’avais mal aux jambes aux mollets, aux cuisses, aux bras.
Partout, mais jamais en même temps aux mêmes endroits.
En deux mois, soit 60 jours, j’arrivai à Saint jacques de Compostelle où j’obtins mon premier graal, une COMPOSTELA.

C’était en mars 2013,

 

Un pari fou d’après apéro me fit quitter le seuil de ma maison pour rejoindre Santiago.
J’étais sponsorisé par les Etablissements LECLERC car je vendais mes kilomètres parcourus au profit de la recherche médicale et il me fallait un allié de poids. Le mentor de la grande distribution.
Pari gagné, aidé en cela par Gérard qui m’accompagna sur la partie espagnole.
Et j’étais lesté cette fois de plus de 8.000 euros en faveur de la Recherche médicale et d’une seconde COMPOSTELA.

C’était en avril 2015,

 

En compagnie de Pascal, breton exilé dès son plus jeune âge dans le pays Landais…
Nous nous sommes rencontrés au matin du premier jour au Puy en Velay.
Il m’a regardé; en souriant je lui ai dit :
« Nous sommes fait pour marcher ensemble ».
Il est vrai que Pascal mesurait un double mètre pour un quintal de muscles. J’avais mis la main sur mon aide de camp.
Nous avons été inséparables tout au long du Camino.
Accompagné de Pascal, ancien rugbyman et bien connu sur la planète ovale, je bouclais mon troisième Camino en moins de 60 jours avec au bout une troisième COMPOSTELA.

C’était en mai 2017,

 

Toujours et bien accompagné de Pascal, nous avions l’envie de rejoindre Santiago par le chemin de la Plata. En clair, ce chemin consiste à emprunter par des voies secondaires Séville à Compostelle.
Ce chemin n’est pas plus difficile en soi car il ne comporte pas de difficulté majeure, hormis une ou deux journées longues de 40 km qu’il est quasiment impossible de scinder en deux portions.

Cependant j’ai souffert de la chaleur, et quand il fait chaud au centre de l’Espagne, il fait chaud !

J’ai donc obtenu ma quatrième COMPOSTELA au prix de beaucoup d’efforts.
Venu par la mer depuis Douarnenez, mon frère Jacques m’attendait à Compostelle pour reprendre la mer vers le Brésil quelques jours plus tard.

C’était en mai 2018,

 

Je quittai Vern, accompagné de Geneviève et de son époux Pierre.
Pierre ouvrait le chemin en camping-car qui allait nous abriter chaque soir, donc chaque nuit entre Lourdes et Santiago.
Conditions bourgeoises, marche de fainéant me direz-vous ?
Je vous assure que la traversée des Pyrénées après avoir longé les crêtes sur plus de 150 km, pèse dans les jambes.
En plus, j’avais Geneviève, une véritable gazelle, comme « binôme ». Et à chaque étape, mon orgueil en prenait un coup, d’autant que Geneviève avait tendance à allonger les distances.
Par chance je connaissais parfaitement le Camino francés et il m’était facile de lui indiquer un autre chemin . Je l’ai parfois laissée prendre des parcours plus longs. Je l’avoue…
Geneviève a obtenu sa première COMPOSTELA et moi la cinquième.

C’était en juin 2019,

 

Geneviève était intarissable sur le mystère du Camino; elle décida d’aborder une seconde fois les pierres et cailloux du chemin.
Pierre fut choisi en qualité de majordome et moi en copilote.
Ce parcours préconisé par Geneviève (préconisé veut dire obligatoire dans le langage Geneviève) était celui du chemin portugais, soit Lisbonne vers Saint Jacques.
C’est certainement le chemin le plus facile pour se rendre à Compostelle, mais il manque de relief et traverse de nombreuses agglomérations.
Mais c’est un chemin, qui me permit d’obtenir une sixième COMPOSTELA.

Ainsi se terminent mes randonnées vers Compostelle, théâtre de ma lutte contre le Parkinson.

Si je n’ai pas remporté la victoire en 17 ans de combat,
je peux tout de même déclarer haut et fort que la marche est un sacré médicament !

 

Au-delà ses bienfaits sur l’organisme, parcourir les chemins représente également pour la tête un sas de décompression.

Concentré sur les itinéraires à suivre, focalisé par la beauté des chemins traversés et les liens tissés à cette occasion, l’esprit est ailleurs et la maladie moins omniprésente.

Yves BOCCOU