Témoignage sur la stimulation cérébrale profonde

par | 1 Mar 2024

Oui, j’ai voulu cette opération, la stimulation cérébrale profonde, c’est à dire l’implantation d’électrodes dans une zone du cerveau qu’on appelle les noyaux gris, dans le but d’améliorer la vie d’un certain nombre de parkinsoniens, dits en phase avancée.
Je l’ai voulue comme une chance, un sursis, un ajout de temps de vie normale.
Au moment du diagnostique, un kiné avait eu ces mots : « A votre âge le parkinson c’est 10 ans avec les médicaments, puis 10 ans avec l’opération, et après… salut la compagnie ! ».
« On peut dire les choses comme ça » m’a répondu ma neurologue libérale dans un sourire.

Approchant de la dizaine d’années de maladie, souffrant, comme quasiment tous les autres parkinsoniens d’un certains nombres de désagréments, notamment de grimaces involontaires socialement invalidantes et désireuse de limiter l’escalade des médicaments, je me suis renseignée sur l’opération. Et là, presque comme dans un jeu, je me suis retrouvée, de bilan d’opérabilité 1, en bilan d’opérabilité 2, une batterie de tests et d’examens plus tard, inscrite sur une liste d’attente pour l’intervention.

Le chirurgien, tout nouvellement arrivé, sympathique, jeune mais déjà expérimenté, m’était recommandé par deux neurologues du service, enthousiastes. Je le rencontrai, il m’assura que je « cochais toutes les cases » : âge, état de santé, hygiène de vie, entourage… Donc feu vert pour lui.
Confiante j’allais à l’opération le cœur léger et la fleur au fusil.
L’opération s’est parait il bien passée, une dizaine d‘ heures dont je ne garde que très peu de souvenirs, que personne ne m’a par ailleurs commentée ni racontée.
Peu m’importait, je me sentais bien, je me promenais, bref tout allait bien. Déjà je me réjouissais de ma nouvelle vie, c’était promis je n’en perdrais pas une minute !

Seulement voilà, un mois plus tard, je ne marchais plus. Ce que j’appelle marcher, moi qui n’avais jamais connu ce problème, c’est à dire marcher couramment, sans y penser, et en toute circonstance, à toute heure. Le freezing (les pieds collés au sol, le pas comme rétréci), le besoin d’appui allait en s’accentuant rapidement. Ce que je vivais n’était pas la déception que décrivent certains (qui n’ont sans doute pas vécu dans leur corps la perte de la marche) mais un coup violent.

Il aura fallu 6 mois pour que la neurologue voit ou accepte de voir, que les comptes rendus d’opération, ne concordaient pas : celui du chirurgien ne voyait aucun problème ; un autre décrivait une électrode mal placée, légèrement extérieure à la structure du cerveau visée.

Non, je ne savais pas qu’il y avait un risque d’une telle importance.
Comment l’aurais-je su d’ailleurs ? Regardant tous les documents possibles, écoutant interrogeant tous les médecins passant à ma portée, jamais je n’en ai entendu parler.

On ne dit plus « subir » une intervention mais « bénéficier de ». Ce bénéfice se chiffre, et à ma sortie de l’hôpital je lui accordais généreusement 80%. Par la suite, à la même question moult fois répétée, j’ai attribué un « zéro » jusqu’à celle où j’ai répondu « moins combien faut il pour que vous compreniez qu’avant l’opération je marchais, après non, et que ça n’a rien d’anodin » ?

On ne m’a pas prévenue que tout un chacun portant blouse blanche (médecin, internes, parfois infirmière) pourrait à tout moment pénétrer dans mon cerveau via une tablette et changer les paramètres de stimulation.

Et surtout, surtout et je crois que ça a été le plus blessant, qu’on mettrait ma parole en doute, qu’on ne me croirait pas quand je parlerais de mes problèmes de marche pourtant bien réels….

A l’hôpital, l’ambiance est lourde d’omerta : personne n’a répondu à mes questions.
Je ne sais même pas qui sont les membres de l’équipe qui ont donné le feu vert pour mon opération (sans doute à mauvais escient), etc.…
Les médecins sont trop rapides pour nous, inaccessibles. Ils parlent et s’en vont…
Non, décidément, nous ne sommes pas « dans le même bateau ».
Quand écoutera-t-on le/la malade ? Quid de l’alliance thérapeutique médecin -malade ?
Celle qui aide le malade sinon à guérir, du moins à vivre le mieux possible malgré sa maladie.

Cette galère a duré 2 ans, 3 mois et 13 jours.
Jusqu’à ce que je change de neurologue, pour une qui écoute, qui entend et qui répond.
Et aussi d’hôpital.
Et même si c’est toujours avec beaucoup de médicaments, je marche de nouveau.

C’est une histoire d’opération réussie que j’aurais aimé vous raconter. Vraiment !

Françoise